Stage son le 3 mars

Par Alexandra

C’est sous un soleil radieux que Joëlle, Olga, Pierre, Laurent, Florent et moi nous retrouvons autour d’un café pour parler de la journée de tournage qui nous attend. Nous filmerons aujourd’hui Agnès sur son trajet vers la bibliothèque avant de lui poser quelques questions concernant les rapports qu’elle entretient avec ce lieu qu’elle fréquente depuis plus de trente ans. Quant à moi, je me concentrerai sur la prise de son.
 
Il est encore tôt et Olga souhaite faire un repérage des lieux pour déterminer les plans qu’elle tournera. Nous sortons dans la rue, effectuons le trajet d’Agnès ; Olga expose ses idées à Pierre qui la conseille et lui fait quelques suggestions. Nous écoutons les choix qui se dessinent avec Laurent, car la prise de son doit être adaptée à la volonté du réalisateur. La vie et ses imprévus s’imposent à nous : la rue est elle aussi en travaux, envahie de camions imposants dont il faudra s’accommoder.
Retour au café où nous déjeunons tout en discutant du contenu de l’entretien que Joëlle aura avec Agnès, et plus généralement des différentes façons de conduire un entretien. Laurent propose que je me charge de la prise de son pendant une partie du trajet d’Agnès. Petite montée de stress et d’appréhension, mais je suis ravie…
L’heure du rendez-vous approche. Laurent me montre comment monter le matériel ; j’enfile le casque, règle le volume sonore, prends la perche. Le micro que nous utilisons ce jour là est très directionnel, c’est à dire qu’il est particulièrement sensible aux sons qui arrivent dans la direction qui lui est donnée. Laurent me conseille de tester diverses orientations afin de me rendre compte par moi-même de la différence de rendu dans le casque. Le moindre son me parvient avec une précision inégalée. Je sors dans la rue faire mes premiers pas de preneuse de son. Le monde semble changer de consistance au gré des mouvements que j’imprime à la perche. Le souffle d’une personne pressée, une discussion, des bruits de talons me parviennent distinctement, détachés du brouhaha de la rue devenu flou et lointain. Je me sens comme coupée du monde et pourtant au cœur de celui-ci, à même d’en saisir les plus infimes détails.
Nous rejoignons ensuite Agnès. Je me concentre sur l’ambiance générale de ce début d’après-midi alors que nous la suivons dans la rue. Il faut avoir un œil sur la caméra, les choix de cadre d’Olga, tout en restant concentrée sur les sons, en surveillant leur modulation sur la mixette, de façon à ce que leur volume ne soit ni trop élevé, ni trop faible, et en maintenant la perche dans la direction qui rendra une atmosphère la plus fidèle possible aux choix de la réalisatrice. Laurent me guide, me conseille, me corrige aussi. Ce sera finalement lui qui se chargera de la fin du trajet et de l’entretien qui demandent une plus grande maîtrise de la prise de son.
Séparée de mon casque et de mon micro, le monde et ses bruits me paraissent à présent un peu brouillons. J’essaie de retrouver les sensations que j’ai pu avoir tout au long de ce trajet, de me concentrer sur certains sons de façon à les percevoir avec une plus grande distinction. La prise de son nous apprend à mieux écouter, mais sans micro, il demeure impossible d’accéder à la précision que celui-ci nous dévoile. Je reprendrai encore quelques sons d’ambiance dans la bibliothèque en fin d’après-midi, retrouvant les détails d’un monde inaccessible à l’oreille humaine. Froissement de papiers, crissement de stylos sur les feuilles des étudiants… Il me semble que je pourrais presque entendre la respiration de ces gens concentrés dans leur lecture. Oui, définitivement, on ne peut parler de la prise de son que lorsqu’on l’a expérimentée, mais peut-on vraiment traduire les impressions qu’elle nous procure en paroles ?

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