Repérages le 4 février

Par Chantal…
Un email de Joëlle… demain je suis dans le quartier… si tu as un moment… passe me voir. J’ai un moment… Je viens. En quelques mots, Joëlle m’explique qu’elle a rendez-vous avec une habituée de la Bibliothèque Binet, une dame de 90 ans.
A peine la porte de la bibliothèque poussée, je vois une dame assise à l’entrée, toute de noir vêtue, un élégant chapeau sur la tête, un visage lisse, des yeux bleus… En un quart de seconde mon cerveau recueille l’information, la décrypte, l’analyse, et arrive à la conclusion que cette dame ne peut être notre « rendez-vous ».
Joëlle me présente à Jean Louis, et oh surprise je le vois se diriger vers la dame assise à l’entrée, mon cerveau chavire, il ne comprend plus rien. Mes schémas s’évanouissent, je suis subjuguée par ce temps qui est passé léger, aérien sur ce beau visage sans laisser de trace.
Nous nous asseyons. Joëlle explique en quelques mots les objectifs de la SIERRA  PROD. Madame A.  écoute avec intérêt puis commence à nous parler de sa passion de la lecture, de la bibliothèque de Clignancourt qu’elle avoue avoir désertée la trouvant trop administrative, trop grande, trop froide, sans âme, puis, de la découverte de la  Bibliothèque Binet. Là, tout y est réuni, les livres, la chaleur humaine, l’attention, l’écoute, le partage, les amitiés tissées au fil du temps. Quant aux projets du quartier, à sa transformation, à la création de la nouvelle bibliothèque Madame A. nous confie qu’elle n’a pas d’inquiétude, elle ne se projette pas, elle est confiante. Jean Louis et ses collègues sont là aujourd’hui et le seront demain, c’est le principal.
Les livres sont le centre de nos échanges. Des livres lus par centaines, des piles de cahiers noircis par le résumé de chacun, des livres à lire encore et encore, des livres à relire soigneusement rangés dans la bibliothèque. Et puis la vie en dehors des livres que Madame A nous confie riche d’événements, de rebondissements, sans nous en dire plus, « cela serait beaucoup trop long à vous raconter » nous dit-elle. Nous n’en doutons pas un seul instant.

Joëlle avec précaution demande à Madame A. si elle accepterait d’être filmée, un jour, bientôt. Nous ressentons un peu de réticence, de pudeur, d’appréhension. Ses mains passent dans ses cheveux qui s’échappent de son chapeau, cheveux qu’elle trouve trop longs qu’elle ne peut pour le moment coiffer, un accident en est la cause, une voiture l’a renversée et blessée à la tête, « je verrai », dit-elle.
Nous sommes sous le charme. Nous aurions aimé prolonger notre entretien, encore et encore mais nous devons partir, un autre rendez-vous, une autre histoire nous attendent. Celle du temps où à la Porte Montmartre il n’y avait pas d’immeuble, pas de périphérique mais des terrains vagues où résonnaient les chants et la musique de Manitas de Plata et de Django Reinhardt… Mais, c’est une autre histoire…

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